UNE INITIATIVE QUI A TENU SON PARI :
Décliner au fur et à mesure de la marche une approche de la notion de « Paysage » que l’itinéraire choisi — « de Belvédère en Belvédère » — permettait de rendre perceptible et aboutir à une « lecture » partagée d’un territoire urbain, parcouru le temps d’une journée, autrement.
1. La réussite de cette journée tient d’abord au fait qu’elle fut, selon l’heureuse formulation de L. B. « une parenthèse météo réservée à la Fête de la Nature, par ses Dieux... tout naturellement ».
2. Ensuite, du fait que chacun-e des quatre membres de l’équipe organisatrice a pu et su occuper sa place dans l’agencement de ce parcours qui se proposait de faire appréhender de manière sensible une problématique difficile à exposer hors des espaces traversés ainsi :
– P.S. L.B. et A.B. de l’association, qui ont coopéré à partir de multiples repérages et préparations pour imaginer une « sortie nature » répondant tout à la fois à l’esprit de la Fête de la Nature et facilitant une prise de conscience des enjeux autour de la problématique du Paysage, dans un contexte de fort développement prévisible de ce Sud parisien, dont les atouts du point de vue écologique seront préservés et confortés, ou au contraire, menacés ;
– Sabine Beutin, botaniste, dont le concours comme professionnelle de l’inventaire nous permit d’explorer, autrement qu’en promeneurs, l’univers d’un Bois en milieu urbain.
3. « La cohésion du groupe », « l’écoute assidue », selon le commentaire envoyé par J.P. M., aura été une heureuse composante de cette journée, alors que la relation des un-e-s et des autres à la Fête de la nature ou à notre association pouvait être était très diverse :
tel ou telle, habitant Montrouge, Fontenay-aux-Roses ou Bourg-la-Reine, se prirent au jeu de parcourir par des voies de traverse des territoires de proximité supposés connus, tandis que le trajet, en dépit du nombre limité de km (11à 12), se révélait, pour des randonneurs expérimentés, finalement digne d’être arpenté du fait d’une thématique qui donnait un autre sens à la marche ; telles ou tels autres, habitant Bagneux, redécouvraient sans doute des lieux à travers les questionnements suscités par la manière de les approcher.
► Approche urbanistique et approche écologique devaient se croiser avec en écho des données géographiques et historiques, pour que le regard de chacun-e se saisisse d’un même espace « objectivé » .
► En prévoyant dans cette randonnée des moments consacrés à l’exercice de dessin analytique dirigé, nous ne voulions pas qu’ils soient vécus comme une « animation », mais bien comme une expérience où l’appréhension subjective du paysage s’effaçait pour ne retenir d’abord que l’ « espace en trois dimensions » pour en abstraire « ses lignes de force »
► Pareillement la circulation au sein d’ un large espace de nature protégé, le Bois de la Garenne, avec une petite incursion dans le Bois de la Solitude attenant, en la compagnie très instructive de S. Beutin , était envisagée non pas comme une animation 2, mais comme un second tempo du projet global
Le circuit s’est efforcé — en privilégiant les voies tranquilles et le plus souvent piétonnes, chemins et escaliers — de se tenir au plus près des caractéristiques d’un relief "combinant" plateaux, butte et promontoires, vallons et coteaux, et ménageant des points de vue remarquables.
1. De la BUTTE de Bagneux à l’ÉTANG Colbert au Plessis- Robinson
1.1 Itinéraire d’approche du "Belvédère" du site des Mathurins à Bagneux, intégrant une première "PAUSE DESSIN" :
Place Dampierre - Parc François Mitterrand - Quartiers des Tertres et des Cuverons
Après avoir déjà constaté les perspectives vers les boisements où devait nous conduire notre randonnée, depuis deux rues partant du Centre ville (rue de la Division Leclerc, initialement dite"de la Terrasse", et Rue Léon Blum dite "du Belvédère") appartenant au premier lotissement créé à Bagneux après la première guerre mondiale en 1919), la première étape aura été consacrée à visiter des secteurs de "la Butte" de Bagneux.
Pour percevoir l’intérêt en terme de Paysage constitutif de son identité, il était important de pouvoir accéder aux deux versants de cette Butte :
— L’un, tourné vers le grand paysage de la Vallée de la Bièvre d’où émerge à l’horizon la ligne verte du Parc des Hautes Bruyères, en limite des bâtiments de l’Hôpital monumental de Villejuif — ce qui rendait nécessaire pour en apprécier "la qualité" d’en faire une approche depuis les rues du Centre ville sises sur "le Plateau", auquel se substituait la pente de la rue des Blains, révélant des "ouvertures visuelles" sur un lointain urbain sans que ne s’y interpose quelque construction obturant ce paysage.
La boucle au commencement de l’itinéraire partant du centre ville de Bagneux - depuis la rue Pablo Neruda (anciennement rue de Sceaux) jusqu’à la rue des Blains piétonne sur sa première longue partie, permettait une incursion dans des espaces ayant encore bien conservé l’histoire du village : tracé des voies, rues pavées, bâtiments avec des ouvrages (murs, façades, porches, ...) caractéristiques des résidences de notables, pour la rue Neruda ; et la traversée du "Jardin de la Porte d’en Bas", aménagé en jardin naturel, pour gagner la rue des Monceaux, et longer " la Friche des Monceaux " (prévue pour des visites éducatives sur la biodiversité faunistique et floristique), donnait idée de ce qu’il est possible de réaliser au cœur d’une ville, en faveur de la Trame Verte et des Circulations douces.
Grand Paysage depuis les hauteurs du Parc François Mitterrand
Ensuite c’est à mi pente de la rue des Blains, qu’un très bucolique chemin se terminant en escalier, nous faisait pénétrer dans les boisements du Parc François Mitterrand et gagner ses hauteurs, laissées au libre épanouissement d’une flore qu’on peut dire "sauvage", quoique gérée par le service Espaces verts de la Ville. Depuis ce sommet du Parc, la ligne des constructions de plusieurs des communes de la Vallée de la Bièvre s’inscrit bien visible sur le ciel, au-delà de la végétation en taillis qui vient en premier plan de ce très ample paysage.
— L’autre versant, où les coteaux de Bagneux font face aux coteaux de Sceaux et Fontenay-aux-Roses, nous le rejoignons, après avoir emprunté l’étroit sentier entre hautes haies arbustives, qui depuis ce niveau du Parc fait entrevoir, en les contournant, les terrains clôturés du site des Mathurins occupés encore actuellement par la DGA (Délégation Générale à l’Armement) dont le départ de Bagneux en 2016 pour se réimplanter dans Paris, va libérer les 16 hectares de ce site exceptionnel.
Un site d’exception, le site des Mathurins en position de Belvédère :
Selon la finalisation du projet d’aménagement en cours, la situation du site pourrait être traitée de manière à laisser libre une promenade - accessible par tous, nouveaux résidents et promeneurs - en bordure de la butte, en y intégrant le large talus planté qui la ceinture tout le long de la rue des Pichets que nous emprunterons en sortant du Parc Mitterrand, suivie de la rue de la Fontaine ; tandis que sa proximité au Parc rendrait possible une opportune extension de celui-ci — à moins que les intérêts d’une importante opération immobilière inclue dans l’aménagement du site ne l’emporte !
— Pause dessin pour un exercice du regard
Tournant provisoirement le dos au site des Mathurins, et très légèrement en contrebas de ce promontoire, le groupe fait face au large espace à demi planté, correspondant à l’"extension du Parc François Mitterrand" traversée d’une passerelle, et à un au-delà, constitué en grande partie des coteaux de Sceaux.
L. B. graphiste passionnée, avec une conviction communicative installe le groupe "en situation" de façon à ce qu’aucun-e de nous ne s’exclut de l’activité proposée et au contraire y prenne part sans complexe. Guidé-e par elle, chacun-e après avoir choisi son point de vue, puis établi son propre cadrage, se concentrait pour décoder dans la portion d’espace délimitée par ce cadrage, les horizontalités et les verticalités, les lignes de fuite, et les profondeurs qui finissaient par s’imposer au regard, pour en faire un tracé. Si la transcription par le crayon fut plus ou moins fidèle à l’expérience ressentie, la"leçon de lecture" par la géométrie, elle, a été nous semble-t-il une intéressante découverte intellectuelle partagée ; même si la durée nécessaire a dû en être écourtée afin de tenir les délais pour notre arrivée à l’Étang Colbert , prévue vers les 13h, et pour laquelle nous aurons plus d’1/2 h de retard ...
— Temporalité et Paysages le long des coteaux de Bagneux.
Prendre le temps de circuler dans cette partie Sud de la commune de Bagneux caractérisée par d’importants dénivelés, diversement aménagés par paliers, nous permettait d’entrer dans d’étonnants espaces donnant lieu à des paysages urbains marqués par l’adaptation à ce relief mouvementé.
– Là où se déployait la longue barre de la Cité des Tertres, sur une plate-forme très en contrebas de la Butte, s’élèvent par blocs distincts les nouveaux immeubles que l’Opération de Renouvellement Urbain (ORU) du quartier a fait émerger sur les pentes. S’y succèdent, entre les tours des années 60, des volumes architecturaux contrastés — verticalité, raideurs, rompues parfois par le jeu des balcons en décroché ou les arrondis d’une ample façade qui cernent le bas de la pente au croisement de la rue des Tertres et de la rue de la Fontaine. C’est en masquant en grande partie l’espace lointain ou proche pour certains des habitants des immeubles voisins invités pourtant à "s’offrir"... du paysage, que cette réalisation immobilière peut donner effectivement à ses propres résidents "la VUE" sur les vallons de Sceaux ou Fontenay.
Mais comment ne pas observer aussi que les aménagements de cette partie du coteau, s’ils témoignent de réalisations architecturales qui, prises isolément, peuvent avoir de l’intérêt, en jouant sur l’imbrication de hauteurs sur la pente, s’interposent de fait entre le site des Mathurins en arrière-plan et ses points de vue potentiels sur un grand paysage, et sacrifient déjà ainsi en partie sa qualité de belvédère.
On s’apercevra en arpentant cet espace en recherche d’identité, qu’on peut y découvrir les strates du temps d’une ville actuellement en mutation :
– Ainsi, au bout de la ligne de fuite d’une allée que le regard peut facilement cadrer d’un côté, par le haut mur lisse d’un immeuble qui nous tourne le dos... et de l’autre, par la succession des balcons en saillis sur la façade d’un autre immeuble - insolite, UN ARBRE - qui nous interpelle de son ample silhouette arrondie : quand on s’en approche, une étrange petite construction trapézoïdale au-dessus de trois marches anciennes, à la porte fermée, se révèle être ce qu’il reste de la Fontaine Gueffier érigée en 1757 ; de la placette arborée sur laquelle des balnéolais-e-s au temps du village venaient à la fontaine, ne subsiste que ce marronnier dans un univers très minéralisé.
Mais depuis cet endroit soudainement très dégagé, et en terrasse, le regard du piéton peut à nouveau porter loin : au-delà de la forte pente de la rue de la Fontaine qui s’en va rejoindre le carrefour des Blagis où se rencontrent quatre communes - Bagneux, Sceaux, Fontenay et Bourg-la-Reine - on repère sur les coteaux en vis à vis, la ligne sombre du Parc de Sceaux à la limite du ciel, et à l’autre extrémité, le fin clocher de son église, contre lequel se profile en réplique le cône d’un sapin.
– Aussitôt après, revenant par la rue de la Lisette avec laquelle nous refermons cette large boucle autour de la Butte de Bagneux, l’intelligente rénovation d’une cité bâtie dans les années 57 / 60 invite à attarder le regard sur cette partie du coteau et son important dénivelé, traversé par de longs escaliers plongeant littéralement vers les six étages de la cité en contre-bas du talus végétalisé et arboré qui la sépare de la rue : originalité des ruptures rythmées introduites dans l’horizontalité monotone de la barre des Cuverons pour l’aménagement d’ascenseurs extérieurs.
Par contre à son extrémité, avec moins d’aménité, se dresse la dernière des tours dites "sentinelles" (vocable retenu par des architectes-urbanistes pour qualifier ces constructions aux avant-poste de "l’éperon" , lors des études de repérage du patrimoine balnéolais, préalables à la révision du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la commune) : de par sa position sur la hauteur du coteau elle semble défier en quelque sorte les territoires des communes avoisinantes, et en premier lieu la ville de Sceaux : "un face à face" en quelque sorte entre "eux" et "nous" [1].
– Après ces variantes architecturales caractéristiques d’une époque où le bâti s’inscrivait dans un territoire vide de la multiplicité des fonctions qui sont les critères d’un espace spécifiquement urbain et où l’on attribuait aux espaces en construction la fonction prédominante de "loger les populations" (autrement dit, fournir "un toit" et un indispensable confort à des familles) - la proximité de terrains restés longtemps "sans fonction", après que l’usage antérieur ait été abandonné étonne et interroge.
— Des friches urbaines qui ont encore un air de campagne à la ville .
En effet, dans cette rue de la Lisette, le secteur de la Cité des Cuverons se termine par un agréable petit bois de pins traversé en cet endroit par un chemin aménagé en escalier qui permet de rejoindre, sous la couverture des arbres, l’avenue Foch - limite entre Bagneux et Fontenay-aux-Roses, tout au bas de cette pente fort raide.
Immédiatement après cette transition végétale, un paysage ouvert se révèle, constitué des deux grands prés de la Lisette qui dévalent le coteau, portant les marques de la zone humide caractéristique de ce versant : pour le premier, une jeune mais vigoureuse saulaie effectue sa repousse sur cette friche prairiale, actuellement rabotée en partie par les travaux de l’installation de la géothermie dont on aperçoit les installations ; pour le second, dit "le pré aux trois mares" , des grands saules que les hautes herbes foisonnantes cachent en partie. Nous n’apercevrons pas les mares - l’une, naturelle, à laquelle deux autres ont été rajoutées, mais seulement les ruches installées par une association environnementale en partenariat avec la municipalité.
Séparant les deux prés clôturés et laissés au libre développement de la friche - excepté récemment pour le pré aux mares traité par le service des espaces verts aux fins de visites encadrées, ponctuelles, pour observation des mares ou des ruches - le chemin des Brugnauts venant de la rue de la Fontaine pour rejoindre l’avenue Foch a progressivement laissé place en cet endroit à une haie magnifiquement arborée , vigoureuse et épanouie - elle aussi à protéger de toute destruction.
C’est sur ce versant très ensoleillé, non loin du village proprement dit, qu’après la culture de la vigne, vergers et potagers occupèrent longtemps le terrain.
Pour que ces espaces encore préservés de toute construction le restent, leur inscription en Zone Ubio (dans le futur PLU révisé ) est déterminante.
La rue de la Lisette dans sa dernière portion réserve encore bien des vues surprenantes :
— ainsi des volumes audacieux évocateurs d’un immense navire (ou d’un animal marin) du Collège Romain Rolland, reconstruit d’un seul tenant en 1999, sur l’emplacement de celui qui tel un campus en plusieurs blocs avait occupé pendant une vingtaine d’années ces mêmes pentes, entre alignement de saules, et haies d’arbres, avec ses lilas et cerisiers agrémentant les pelouses : deux solutions architecturales pour répondre à un même objectif "la réussite pour tous et.. toutes" ; sachant que la grande majorité des collégiens accueillis à Romain Rolland étaient des enfants des Tertres et des Cuverons.
— lui succède la "vigne municipale"- témoignage de tous ces "clos" qui entouraient, sur le plateau ou sur ces versants de la Butte, le village.
Sitôt après, la rue de la Lisette devient complètement pavillonnaire, ainsi que l’ensemble des rues qui irriguent ce quartier tranquille et champêtre, à la limite du centre ville de Bagneux ; elle y croise en particulier la rue des Bénards qui, d’un côté s’en va très pentue rejoindre l’avenue Foch pour remonter la pente du coteau de Fontenay-aux Roses, et de l’autre, achève sa liaison Fontenay / Bagneux en ruelle dite "le sentier des Bénards"entre petits pavillons et ex grandes propriétés (dont le Lycée privé Saint Gabriel, très arboré) : nous avions repéré son débouché à la Place du 13 Octobre, au commencement de notre parcours rue Pablo Neruda en début de matinée.
1.2 Nous réservons la partie de l’itinéraire de Bagneux - en limite de Fontenay-aux Roses - jusqu’à l’Étang Colbert au cœur du Plessis-Robinson - pour un second article.
Ce circuit empruntant des voies et des espaces qui méritent à leur tour le récit de leur découverte, d’autant que notre groupe n’a pas rechigné pour continuer en cette chaude fin de matinée l’exploration des "hauts" de Fontenay et de la commune de Châtillon, avant d’arriver au second "Belvédère", celui du"Chemin du Panorama".
A noter : La collection de photos qui constituent la "Galerie" a été empruntée en grande partie aux vues réalisées par J.C. M. un des participants, dont l’accompagnement pour cette rando nous a été précieuse par la fourniture des données cartographiques du parcours (trace gpx) - complétées par des vues prises par P.S. , dont quelques unes au moment de nos repérages en début de printemps.
Ces photos couvrant la totalité de l’itinéraire, nous vous laissons au plaisir de décoder leur localisation - en attendant nos deux prochains articles qui vous amèneront après avoir circulé en compagnie de Sabine Beutin dans les Bois de la Garenne et de la Solitude jusqu’aux Terrasses du Parc Sellier.
Tracé de l’itinéraire de Bagneux au Plessis-Robinson